mercredi 13 mai 2015






Ensuite, la semaine de mauvaises nuits s'est multipliée par deux, puis trois. Je finis par me demander si mon genou est bien le coupable. En fait, j'ai même du mal à écouter ses lamentations. Je continue à foncer dans le tas, en croisant les doigts, malgré tout.

J'appréhendais le petit périple avec J., n'était ce pas trop ? Les arrêts ici et là, dire bonjour et bien vite au revoir, à quoi ça pouvait rimer. ça a sonné comme nous deux, main dans la main, tour à tour pilote et copilote "tu as compris où tu devais aller ? Je ne sais pas, je n'écoute que toi, que ce que tu me dis". Rien que pour ces mots là, je préfère être celle qui indique la route. Et puis ça me permet de regarder le paysage.

A Majorque j'écarquille grands les yeux, prête à prendre le moindre petit détail qui me fera dire que je ne suis pas trop chez moi, et que ça fait du bien. Alors il y a des routes en lacets, et des maisons isolées, avec des oliveraies, des moutons, beaucoup de poussières. On traverse parfois un village, ça sonne presque western, ville fantôme avec tous ces volets fermés. On arrive enfin à notre nid pour ces quelques jours, comme des enfants de luxe, on se jette sur le balcon "on voit la mer ?"  Oui en dessous, des arbres, on la voit la mer, un petit bout de mer mais quand même. Tous les petits déjeuners gargantuesques seront pris dans une salle immense, avec des mômes qui courent partout, il n'y a que des familles ici. Une fois ça de fait, la journée commence au rythme des vacances : paresser, bouquiner, écrire, se balader. Un jour, on visite un château, je regarde au loin et m'étonne de ces arbres que je vois si distinctement sur les montagnes. "tu crois que ce sont des arbres géants ?" Un autre jour, on a bien étudié la carte, on veut découvrir des petites criques en courant. D'abord, on se perd, on rencontre sur le chemin un caddie oublié au milieu de nulle part, et de l'autre côté de la falaise, je vois une grosse chèvre. Un bouquetin, qu'on me dit. Cela n'empêche, le chemin qu'on emprunte sent le miel, pour de vrai, pendant quasiment deux heures, je sens l'odeur du miel et le soleil est juste à point, on rencontre un unique cycliste. Nous sommes presque seuls au monde. Le dernier soir, j'ai envie d'une glace, et on a oublié que la saison n'était pas si haute que ça. Heureusement tout au bout de la rue, un glacier nous a presque attendu avant de fermer sa boutique. J. insiste pour qu'on aille finir notre glace au bord de la mer. Je bougonne un peu, il fait nuit, il insiste, car oui c'est ça les vacances.

Puis nous ne rentrerons pas ensemble à Paris avec J. Moi le samedi, lui le dimanche. "pourquoi tu ne rentres pas en même temps que lui ?","pourquoi vous n'essayez pas d'être plus fusionnels ?". De nouveau je grince et je m'agace. Je voudrais sourire et dire c'est notre vie, c'est comme ça. Mais non je m'emporte, je me justifie, je m'insurge. Pourquoi devrait-on faire comme tout le monde si on peut faire comme ça nous convient ?
Après ça, il faut que je compose avec moi, avec la difficulté de ne rien supporter, et de me rendre compte que c'est ma personne que je ne supporte pas. C'est comme si tout venait se cogner à moi, les objets, les meubles, le regard des gens, et même mon propre corps. Il y a des douleurs que je ne sais plus à qui confier. A qui puis-je dire que mon frère me manque ? Et y a-t-il besoin de le dire ?
On m'a dit qu'il fallait que je me fasse un plan de carrière. Je n'ai pas compris. ça m'a de nouveau piqué. Mais depuis deux jours, je dors la nuit, d'un sommeil très lourd et engourdissant. Le matin, je l'entends à peine se lever et je me réveille juste assez pour sentir ses lèvres sur moi qui me disent bonne journée.

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