jeudi 7 août 2014



Il y a des tumultes qu'on attend pas vraiment, qui fracassent sans qu'on s'en aperçoive vraiment. Comme si, finalement, ça ne nous appartenait pas, cette histoire. En fait, on hésite surtout à lui laisser de la place, lui permettre d'imprimer des traces désagréables. On hésite, puis le choix se fait tout seul, ces jours seront comme les mois précédents, harmonieux, nous sommes d'accord. Parfois, dans nos regards qui se posent l'un dans l'autre, est ce de la peur, le doute, ou la reconnaissance, celle qui dit, oui, c'est toi, je te reconnais bien. Et puis, alors la nuit s'achève, c'était un mauvais rêve.

Les enfants, les tout-petits, les bientôt nés se sont suivis cet été, celle de Marseille, qui m'effraie par ce milieu dans lequel elle grandit. Les jours grand soleil, les sourires partout, à s'en demander si ce sont des vrais, le grandiose, celui qui ne nous appartient pas, à l'intérieur duquel on refuse presque à se laisser aller. A la fin de ces jours, une conviction, une certitude, celle d'être arrivée au bout de cette aventure, de ne plus avoir de regrets et de n'avoir plus rien à investir, plus d'émotions, plus d'inquiétudes. Malgré tout, la nuit, les cauchemars parlent souvent d'elle, en surface, au moins.
Le bien cocooné, dans cette ville où le soleil aussi sera présent. Avant de la retrouver, je me demande comment sera son bidon. Je la rejoins, toute pareille à elle-même, et je me dis que ça y est, elle a vraiment l'air d'une femme qui porte un bébé. C'est quelque chose, les grandes amies qui deviennent mamans. Mais avec elle, c'est simple comme bonjour, simple comme notre rencontre et notre amitié, ça ne me laisse pas sur le bas côté, il n'y a pas de clan qui se forme, celui des mères et celui des sans enfants. Dans ces deux jours où je ne me lasse pas d'être à leurs côtés, elle et lui qui cuisinent de concert encore et encore, alors que le frigo débordait déjà quand je suis arrivée, on s'amuse à s'imaginer à 60 ans, toutes les deux, boitant et faisant notre monde, comme à nos 27 ans.
A Paris, quatre jours avant la fermeture de la crèche, il y a le temps pour les expériences inavouées, celles qu'on n'autorise pas d'habitude, celles qui devraient bien avoir leur place dans le quotidien. Moins d'enfants, plus de proximité, et j'accuse le coup de cette relation avec un enfant. Je répète "je n'ai jamais accroché avec lui", comme pour m'excuser de cette patience qui devient fragile à ses côtés. Qu'est ce que je n'ai pas accroché ? Je me persuade que ça ne passe pas avec tous les enfants, que j'ai des collègues pour prendre le relais, mais je ne reconnais pas et ça me fait violence.
Et puis enfin, mes deux petits du Jura, l'attente pour les voir, finalement leur sourire et celui de leur mère. Le plus grand qui n'en finit pas de me dire son amour et ses bras autour de moi, son regard levé vers le mien et sa fierté de tout me montrer. Plus tard, quand je reçois un message de sa mère sur cet amour titanesque et dont je ne me lasse d'être surprise et que encore plus tard, je la rejoins et qu'elle m'explique une nouvelle fois, je sens son émotion qui palpite, alors que je vois son profil mi-ombre, mi-lumière, je la revois fermer le four, ranger la cuisine, elle ne me regarde pas, mais je sais, à ce moment là, la signification de ce tourbillon.

Première semaine d'août, il n'y a plus d'enfants. Juste nous deux, le soleil dès le petit déjeuner sur la terrasse, la plage avec les galets et la peur latente quand je ne l'aperçois plus dans les vagues, toujours les "qu'est ce qu'on fait", auquel je réponds sans ciller que nous sommes en vacances, l'envie de bouger après les journées qui pourraient ressembler à des longues et douces siestes, la lenteur, rire de ce qu'il est, de cet être hors normes, hors du monde et des autres, l'agacement furtif et piquant, et le soulagement de la sérénité le plus souvent retrouvée, rire de ce qu'on est.

1 commentaire:

  1. Je vais te confisquer ton téléphone si ça te permet d'écrire des choses comme ça :)
    Je suis arrivée trop vite à la fin, j'en voulais encore, de ton récit haletant/apaisant. Et je suis très émue, aussi, tu racontes si bien, et je suis heureuse de faire partie du récit.

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